Chamberlain
Gardens II
Chamberlain : Tableaux d’une exploration
Curieux. Mathieu Harlaut a toujours eu l’audace de pousser ce vilain défaut pour convoquer de singuliers spectres sonores. Étrange même. Dans ces apparitions, s’agrège un faisceau d’influences et de démarches combinant DIY, appropriation savante et redistribution pop. C’est sous l’alias Chamberlain que s’incarne ce projet où classique, jazz, electro, bandes originales s’hybrident dans d’innovantes compositions musicales.
De ces différents territoires, Chamberlain parvient à dresser d’inédits paysages. Donnant à voir et à entendre son regard de musicien. Cartes postales sensibles de voyages à venir. Une mise au présent où influences et inspirations offrent le canevas idéal à l’élaboration de nouveaux horizons.
Avec le souci du détail qui le caractérise, Chamberlain se fait tour à tour orfèvre et alchimiste. Chez lui pas de « timeline » apparente. Sans soudure. No suture. Enveloppante, la musique globale de Chamberlain sait trouver ces points d’équilibre et d’énergie vecteurs d’atmosphères. Pas un diffuseur d’ambiance: Plutôt comme un parfum d’ambient. Les titres de Chamberlain sont autant de fragrances, d’infusions propices à la libération d’émotions subtiles et contrastées. Dans la solitude du plaisir égoïste du mélomane audiophile autant que dans le partage sensoriel d’un club.
Chamberlain a pris son temps. Sans doute le prix de la confiance en soi et de l’exigence.
Un capital musical qui s’est constitué au fil des rencontres qu’il a toujours su provoquer. Affaire d’intuitions, d’accointances, du mystère des appels informels. Richesse humaine et parcours artistique où se croisent une veuve d’agriculteur pianiste, un cousin à la page, des conservatoires progressistes, la campagne et la ville. Les piaules et les grands écrans. Les groupes, et ce projet solo en grande forme. Labels et concerts. Le jour et les nuits.
Chez lui, le minimalisme ne s’oppose pas au luxe des détails. Ce qui aurait pu sédimenter, fossiliser, forme de fait un substrat fertile. Chamberlain, comme musique de chambre et techno minimale berlinoise, pratique une forme d’oulipo musical. La contrainte se fait jeu et point d’appui créatif. Le cérébral ne craint pas le groove, on s’autorise le radical sans se cogner au frontal. Le divertissement en pleine diversion, digression. Transgression.
Voilà le tableau : Maurice Ravel, Erik Satie, Claude Debussy, Gabriel Fauré, Steve Reich, Max Richter… avec en contrepoint Aphex Twin, Maurizio, Moodymann et bien évidemment la liberté d’improvisation jazz d’un Brad Mehldau. Vous l’avez là ? Peut-être manque-t-il encore ces grands compositeurs pour cinéma tels Ennio Morricone ou François de Roubaix ? Et pourquoi pas un nouvel Arthur Russell ? Laissez tomber le leste des références. Ce n’est pas tant d’où vient Chamberlain qui nous importe, mais où il nous emmène. Là-bas, ni à rebours ni en rade, vers une sorte de plateau d’altitude qui pourrait être celui de Langres. Nulle rave sauvage. Des pigments musicaux plein les sens. Ce beat house dans les tempes qui réchauffe les lobes des oreilles et ouvrent ceux du cerveau. Quelque part où se jouent la mémoire, les émotions, la créativité. Et la curiosité donc.